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En temps de peste

Mère et fille et leurs réflexions en temps de confinement

Angoisse

Hier, une journée tout simplement insupportable. J'ai commencé par me sentir mal physiquement, surtout de grosses vertiges. Je supporte mal le manque d'air. Ce n'est même pas mon asthme, ça a toujours été comme ça, ne pas sortir un peu plus longuement au moins une fois par semaine se répercute vachement sur mon organisme. En plus, j'avais mal au ventre, bon, c'est vrai, pendant les fêtes, j'avais mangé 2 fois plus que les autres jours du confinement où je me limitais (manque de sorties, de sport, du coup, peur de grossir, d'être mal dans mon corps). C'est peut-être ça. Plus, je ne suis pas sûre de la fraîcheur du carpaccio, livré lundi.. :-(

Comme je n'en pouvais vraiment plus, même mon Mari qui a toujours peur que je (on) sorte pour rien, me dit : "Sors, va à la pharmacie, tu verras s'il y a des thermomètres." Je saute sur l'occasion et je préviens que je vais probablement faire le tour des pharmacies du coin. Je m'habille (il faisait pas chaud, hier) et je fonce. Droit à Carrefour. Il m'a toujours martelé la tête qu'il faut pas y aller. Je sais. Il a raison. Mais hier, je deviens folle. Folle de chez folles. Je speede, faut quand-même que l'on ne s’aperçoive pas que j'ai été loin. Je me demande s'ils peuvent me voir par la fenêtre. Tatiana serait jalouse que j'y aille et pas elle. Je tourne dans la rue "Charles et..." et je marche à une cadence élevée. Je me dis que ça me fait faire du sport. J'ai trouvé, au moins, un prétexte qui calme un petit peu mes remords. Je marche, pas de voitures dans la petite rue derrière le jardin d'enfants, le périf est pratiquement vide par rapport aux jours normaux. Je traverse au rouge les deux passage piétons de la sortie sur le périf. Là, où on attend toujours longtemps; aujourd'hui, il n'y a rien à craindre.  En 7 ou 8 minutes, je suis devant l'entrée du centre commercial. Je mets mon masque. J'ai tellement du mal à respirer avec et il fait tellement bon avec cet air pur pour une fois que je ne le porte pas si je ne suis pas parmi des gens. Là, je le noue soigneusement, les deux ficelles. J'entre.  Tiraillée entre un sentiment d'avoir accompli un exploit, (oui! je suis venue jusqu'ici!) et celui d'avoir transgressé non pas vraiment un interdit mais un accord familial de ne pas faire des choses pas raisonnables.

Mais ce n'est que quand j'entre que le choc arrive. L'escalier est condamné et tout autour de moi, des agents de sécurité. Tout de noir vêtus, avec des masques et des oreillette, tête graves genre "j'ai pas envie d'être là à vous surveiller, vous avez qu'à rester chez vous". Ils nous jettent, à nous, les entrants, des regardes noirs. J'ai vraiment peur. Ca détourne mon attention et je ne m'aperçois qu'au bout d'une minute peut-être qu'il y a une queue devant le tapis escalator pour entrer au magasin à l'étage. Je me dis que je n'ai pas le temps, de la faire. Une angoisse me gagne. Que fais-je ici ? N'aurais-je pas dû rester à la maison ? Je triche ? Je prends des risques ? Pas de crise d'asthme mais angoisse quand même. J'écris des textos pour me calmer, pour décharger ces sentiments. A Agatha, à Elizabeth. Elles sont pas là. J'écris n'importe quoi, que j'aurais pas dû venir, que je dois être folle mais que je suis folle aussi sans sortir, etc... La queue est divisée par des traits jaune-noir tous les 2 mètres à peu près. Un vigile en bas du tapis recale des gens. Au début je me dis que ce magasin est si grand que je ne comprends pas le compte-gootte par 2 ou 3  personnes. Ca va très vite, mine de rien et je suis dans le 2ème lot de gens admis. Je me mets sur le tapis, en gardant la distance avec la personne devant. Je ne sais même pas s'il y a quelqu'un derrière... En haut, je fonce. Et je me demande pourquoi, en fait, je suis venue ici ? Pour venir ? Pour vérifier si le monde est toujours comme avant la peste ?

J'essaie de retrouver le rayon terreau. Et il y a des gens partout. A droite, à gauche, devant, derrière. Mais d'où sortent-ils ? Ils achètent tout, à chaque rayon, il y a au moins une personne et je ne veux pas y pénétrer . J'ai peur. Je me suis déshabituée de voir autant de gens dans un magasin. J'ai vite l'impression d'être envahie. Quand je retrouve finalement le terreau (les sacs sont énormes, je peux pas en prendre un), c'est un endroit calme, du coup, je repasse deux fois. Mais pour avancer plus au fond du magasin, il y a à nouveau TOUS ces gens. Je sais qu’objectivement parlant, il y en a beaucoup moins que normalement, mais ça se passe dans ma tête. Je regarde s'il y a des thermomètres. A nouveau, un beau prétexte d'être venue dans ce temps de débauche et de danger. Pas de thermomètres. Je me rappelle que j'adore une de leurs salades que je trouve nulle part ailleurs et que j'avais pas pu commander. Je me fraie le chemin (ou du moins, c'est l'impression que j'ai, en essayant d'être à l'écart de gens) et mes yeux parcourent le rayon à une vitesse exorbitante. Plus vite, plus vite, faut rentrer ! Ils n'en font plus. Tant pis. Je cours au rayon diététique pour trouver des cachets minceurs (chers à la pharmacie). Je trouve vite mon bonheur, je me permets même de comparer... Je le tiens, je me dis que j'irai à la caisse automatique. Et là... Encore une queue... Ca fait même pas une 1/2h que je suis sortie. J'abandonne mes cachets à côté de chocolats de Pâques soldés et je sors. Je rentre avec d'énormes remords. Si ça se trouve, j'ai choppé le virus avec tout ce peuple à la grande surface et j'ai mis en danger ma famille. Je deviens folle. J'ai juste envie d'être à la maison et de me mettre dans mon lit, bien enveloppée dans une couverture et ne rien faire.

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